Pourquoi les femmes sous-déclarent-elles l’abus ?


Regroupement

D’après des statistiques canadiennes, une faible proportion de seulement 5 % à 6 % des agressions sexuelles sont signalées à la police chaque année. Pourquoi un pourcentage si petit? Puisque ces femmes ont été victimes de violence, pourquoi ne cherchent-elles pas de l’aide? Parfois, même si les victimes veulent se sortir de la situation, il y a quelques raisons qui les retiennent de parler et de trouver de l’aide. 

(Lachapelle et Gagné 2022)

 

Les menaces, le harcèlement et la peur  

Il y a des agresseurs qui menacent et intimident leurs victimes pour ne pas parler. Ils deviennent défensifs et se mettent en colère et menacent les victimes si elles osent parler à quelqu’un d’autre. Le risque de blessure et de l’abus augmente lorsque le partenaire maltraité déclare qu’elle va partir. L’agresseur la menace avec ses points faibles tels que leurs enfants, leurs personnes proches ou même un grand secret qu’il tient contre elle. Donc la victime a peur pour la sécurité de ses proches et peur de voir son grand secret révélé et cela l’empêche de porter plainte. Ça peut atteindre un point où l’agresseur menace de se suicider lui-même et même tuer sa partenaire et ses enfants. D’après Statistique Canada 2016, les femmes sont six fois plus susceptibles d’être tuées par un ex-partenaire que par un partenaire actuel. 

Il y a aussi la peur de l’inconnu du futur qui pourra retenir la personne de sortir de la situation d’abus. La victime pourrait se sentir bloquée si elle est financièrement dépendante de son conjoint, et elle n’a aucun compte d’épargne pour l’aider à recommencer à zéro avec ses enfants. Une recherche faite en 2009 par Monica Townson a démontré que les femmes qui quittent leur partenaire et élèvent leurs enfants seules sont cinq fois plus susceptibles d’être pauvres que si elles étaient restées. D’autres femmes ont peur de la faible probabilité de perdre leurs enfants contre leur conjoint. Donc, elles décident de continuer à vivre avec l’abus plutôt que prendre la chance de perdre les enfants. 

Il y a aussi des situations où la victime n’a personne d’autre dans sa vie à part son conjoint. Elle pourrait avoir perdu ses parents, être immigrante dans un nouveau pays ou bien son conjoint lui a interdit de se faire des amis et garder contact avec sa famille. Son conjoint lui rappelle toujours « qu’il n’y a personne à part moi qui pourra t’offrir un abri et de la nourriture à manger ». Dans ces cas-là, la victime croit qu’elle n’a personne qui pourra l’aider à s’en sortir et elle se convainc que l’abus est mieux que d’être seule, sans maison et sans nourriture. Mais la vérité est que la victime trouvera une nouvelle famille qui va la soutenir lorsqu’elle sortira de son silence.

(Howard 2022)

(Orent Law Offices 2018)

(Lebow 2021)

 

Elles sont remises en question 

Après avoir finalement eu le courage de parler à quelqu’un de l’abus qu’elles ont vécu, elles se font appeler ‘menteuses’ ou ‘elles cherchent de l’attention’ au lieu de ‘victimes’ et ‘comment on peut te soutenir’. Malheureusement, ces situations existent et elles sont une des raisons qui peuvent retenir les femmes à parler. Mais pourquoi font-elles face à de telles situations? Amber Robinson, une psychothérapeute a dit      

« Les personnes qui abusent sexuellement ne sont pas seulement des silhouettes ombrageuses dans des ruelles sombres. Elles sont cachées dans notre famille, nos voisins, nos collègues et nos amis. Il est insondable pour beaucoup d’entre nous que notre proche puisse commettre un acte aussi flagrant. Pourtant, beaucoup le font ».

En effet, parmi tous les cas d’abus sexuels sur des enfants, 34 % sont commis par des membres de la famille. L’agresseur pourrait être tellement proche, et le pire c’est qu’il pourrait être quelqu’un d’important dans la communauté ou un citoyen exemplaire qui est populaire et bien aimé par tout le monde. Cela rend les choses difficiles pour la victime d’avoir du support contre quelqu’un qui prétend être une bonne personne. Dans ces situations, l’agresseur peut nier que l’abus a eu lieu ou dire que la victime se souvient mal des détails. Ils peuvent aussi minimiser l’abus en disant qu’il s’agit d’une erreur, d’un moment d’ivresse ou d’un malentendu. Ou bien, ils changent la situation pour dire que la victime essaye d’attirer l’attention ou qu’elle ment. Ils peuvent aussi changer l’histoire pour faire croire que la victime avait consenti à ce qui est arrivé ou qu’elle l’a mérité.

(Lebow 2021)

 

Sentiment de honte et culpabilité 

La honte est causée par la subordination, le pouvoir et le contrôle qui peut amener une personne à se blâmer pour l’abus et se sentir humiliée par les actes d’abus et de leur incapacité à l’arrêter. La honte cause un faible ou un manque d’estime de soi et la victime se sent inférieure et cela renforce les sentiments de honte.

Les victimes d’abus sexuels reviennent souvent sur la situation et se disent qu’elles auraient pu faire quelque chose. Cependant, il est très important de se souvenir de l’intention initiale de l’agresseur et de votre intention. Penser à qui avait le pouvoir dans la situation ? La honte est ressentie en deux égards, premièrement la honte de l’abus parce que c’est un sujet tabou. Deuxièmement, la honte de l’abus parce qu’il s’agit d’une atteinte à leur dignité et à leur personnalité. 

(Victim Support 2021)

(Into the Light 2021)

 

L’importance de briser le silence et chercher de l’aide 

Comme indiqué précédemment, il existe quelques raisons qui peuvent retenir les femmes à déclarer ce qu’elles ont vécu et les empêchent de chercher de l’aide. Il faut bien noter que c’est très important de combattre ces raisons et de sortir de ces relations. Rester dans une relation abusive va seulement aggraver votre condition et augmentera les conséquences physiques et émotionnelles. Vous allez toujours vous sentir en danger et devenir plus déprimée et anxieuse. La situation ne s’améliorera pas si vous restez sans prendre action. Dépendamment de vos raisons personnelles, vous aurez peut-être du mal à parler de la violence que vous avez subie. Mais, sachez que vous n’êtes pas seule et qu’il existe plusieurs services autour de vous qui peuvent vous aider. Imaginez une vie sans violence et bien sécurisée que vous pouvez avoir. Ayez un peu de courage pour faire la première étape, et je vous assure que vous ressentirez un grand soulagement et que vous recevrez un grand soutien. Vous pouvez commencer par parler à un proche, un fournisseur de soins de santé ou contactez des organismes dans vos régions. Si vous préférez rester anonyme, vous pouvez appeler des lignes d’assistance téléphonique.

(Mayo Clinic Staff 2022)

 

Qui contacter pour porter plainte  

En cas d’urgence, communiquez avec le 9-1-1 pour l’aide immédiate. Vous-même, votre enfant ou même un voisin peut appeler le 9-1-1 pour signaler la violence conjugale. Si vous n’avez pas besoin d’aide immédiate mais que vous êtes prêts à porter plainte, vous pouvez communiquer avec le poste de police local où vous résidez. Lors de la rencontre avec les policiers, un rapport sera rédigé avec des informations telles que la date, le lieu du crime, les noms des personnes impliquées et un petit résumé de l’incident. Si vous avez besoin de soutien ou quelqu’un pour vous accompagner lorsque vous déposez une plainte, vous pouvez demander à un proche ou un membre de votre famille. Vous pouvez aussi aller avec un travailleur social ou un avocat. 

Pour plus de soutien, vous pouvez appeler SOS violence conjugale au 1-800-363-9010. C’est un organisme bilingue, gratuit et disponible 24 heures sur 24 tous les jours de la semaine. Il fournit de l’information, des services et des ressources utiles pour supporter les victimes de violence conjugale. Pour plus d’information sur cet organisme, visiter leur site Web https://sosviolenceconjugale.ca/fr

(Éducaloi 2022)

 

Si vous vous situez dans le sud-ouest de l’Ontario à Sarnia, London ou Windsor il y a le Réseau-Femmes qui est toujours prêt à vous soutenir avec tous vos besoins. Il offre des consultations avec des intervenantes pour créer des plans de sécurité personnalisés. Il vous offre aussi du soutien psychologique, d’émancipation et des conseils. Vous pouvez aussi trouver des services d’intervention individuelle, de l’accompagnement dans votre parcours, de l’aiguillage et vous donne accès à d’autres ressources. Si vous êtes victime et que vous ne voulez plus rester silencieuse, appelez le 1-888-946-3029 pour contacter le Réseau-Femmes. Vous trouverez plus d’information sur nos services en visitant le site Web https://rfsoo.ca/

Si vous êtes victime de violence, c’est essentiel que vous en parliez pour vous sortir de la violence. Quelles que soient les raisons qui vous retiennent, croyez-moi, votre sécurité et votre bien-être sont beaucoup plus importants. 

 

Références 

Éducaloi. 2022. “Porter plainte pour violence conjugale : étape par étape.” Éducaloi. https://educaloi.qc.ca/capsules/plainte-violence-conjugale/.

Howard, Jessica. 2022. “Violence genrée au Canada | Programmes de prévention de la violence.” Canadian Women’s Foundation. https://canadianwomen.org/fr/les-faits/violence/.

Into the Light. 2021. “Core issues of abuse: shame from Into the Light, London.” Into The Light: counselling. https://www.intothelight.org.uk/core-issues-of-abuse-anger/.

Lachapelle, Maude, and Dominique Gagné. 2022. “Statistiques sur les agressions sexuelles | Agressions sexuelles.” Institut national de santé publique du Québec. https://www.inspq.qc.ca/agression-sexuelle/statistiques.

Lebow, Hilary I. 2021. “When Family Members Don’t Side With Those Abused.” Psych Central. https://psychcentral.com/lib/reasons-family-members-side-with-sexual-abusers#how-it-plays-out.

Mayo Clinic Staff. 2022. “Domestic violence against women: Recognize patterns, seek help.” Mayo Clinic. https://www.mayoclinic.org/healthy-lifestyle/adult-health/in-depth/domestic-violence/art-20048397.

Orent Law Offices. 2018. “Why do Domestic Violence Victims Stay Silent?” Orent Law Offices. https://www.orentcriminallaw.com/blog/domestic-violence-victims-stay-silent/.

Victim Support. 2021. “Understanding Shame and Guilt.” Victim Support. https://www.victimsupport.org.uk/wp-content/uploads/2020/11/P2661CSA-survivors-shame.pdf.